Changement d'époque : jusqu'à présent, les contributeurs à un plan d'épargne entreprise disposaient d'avantages certains (abondement) et se trouvaient privés, en connaissance de cause, du droit de vote normalement associé à ceux de leurs titres le permettant. Ainsi, sous l'oeil du conseil de surveillance des FCP dont le pouvoir est très variable, le gestionnaire d'un fond prenait les décisions d'affectation des valeurs dans le FCP en fonction de son appréciation des marchés financiers. La liberté des salariés étant extrêmement encadrée ; achats dans la période annuelle ouverte, cession au terme de la période d'indisponibilité ou dans l'un des cas de déblocage anticipé prévus par le législateur.
Cette équation a jusqu'à présent permis de transformer l'actionnariat salarié, précisément celui investi en titres de l'entreprise, en noyau dur représentant parfois une proportion importante dans le verrouillage du capital et sa protection de convoitises.
Ce qui se passe chez SAFRAN marque un changement d'époque :
L'épargne salariale (10 à 12% du capital) de la nouvelle entité issue du rapprochement SAGEM/SNECMA devient un enjeu souligné par la CFE-CGC : dans le cas où l'équité entre les deux firmes d'origine de SAFRAN "ne serait pas respectée" (comprendre les termes du contrat de fusion), l'épargne des salariés investie en titre de l'entreprise "pourrait être cédée à un investisseur externe" choisi , c'est une première, par le conseil de surveillance.
On ne peut qu'être étonné par l'exercice d'un droit existant (la plupart des titres est disponible) et visiblement parfaitement légitime, par le fait que c'est vraisemblablement une première, aussi par l'écart entre l'esprit de l'épargne salariale et l'usage qui pourrait ici en être fait.
On imagine mal des entreprises d'un secteur stratégique laisser une part décisive de leur actionnariat, justement celle présumée être la plus stable, se "vendre" en toute liberté. Mais comment procéder pour limiter l'érosion du capital ? ce risque est-il appelé à se généraliser, au sein des entreprises disposant d'un actionnariat salarié important et ancien soumises à des évolutions stratégiques parfois difficiles ? elles sont nombreuses. Simple menace de négociation, exercice d'un droit parfaitement légitime jusqu'à présent sous-utilisé ou changement d'époque ? A suivre.