Entreprises et marchés (repris "LES ECHOS" du 5 juin 2007, Tous droits réservés)
Les salariés français restent réticents à dénoncer les fraudes
L'implication des salariés dans la lutte contre la fraude, notamment à travers l'instauration de codes de conduite, reste difficile en France. Selon un sondage réalisé par Ernst & Young auprès de 1.300 employés dans 13 pays européens, seulement 55 % des salariés français interrogés estiment qu'un code de conduite est utile pour détecter les fraudes, pots-de-vin et autres voies de corruption. Ce chiffre atteint 66 % en moyenne en Europe. Ce décalage semble en partie lié au caractère encore très général des codes de conduite - dont la portée juridique n'est en outre pas toujours claire. En France, ces textes définissent souvent des grands principes, sans préciser concrètement la marche à suivre en cas de problème.
Les attentes sont pourtant fortes : 89 % des salariés français estiment que toutes les grandes sociétés devraient avoir un code de conduite, alors que 62 % seulement indiquent que leur société en a élaboré un. Les salariés paraissent en outre assez concernés par les risques de fraude puisque un quart des personnes interrogées confirme l'existence de soupçons de fraude dans leur société en 2006. L'enjeu n'est pas mince. Aux Etats-Unis, une étude récente de l'ACFE (Association of Certified Fraud Examiners) montre que la première source de détection d'une fraude est la dénonciation (34,2 %), devant le hasard (25,4 %), l'audit interne (20,2 %) et le contrôle interne (19,2 %). Même si les systèmes d'alerte imposés outre-Atlantique par la loi Sarbanes-Oxley doivent être accessibles à certains tiers (clients, fournisseurs), les salariés auraient donc indéniablement un rôle à jouer dans la lutte contre la fraude.
Encore faut-il qu'ils s'approprient le code de conduite ou la charte éthique, selon le cas. « Un bon dispositif de prévention requiert trois éléments : un code de conduite, une formation du personnel et un dispositif d'alerte », détaille Jean-Michel Arlandis, en charge du département de lutte contre la fraude chez Ernst & Young. Sur ce point, la France se singularise : un tiers des salariés interrogés n'y ont jamais signé de code de conduite, contre 28 % en Europe. Surtout, la sensibilisation laisse encore à désirer. Plus encore, seulement 39 % des salariés français déclarent se sentir libres de signaler un cas de fraude. Ils sont 57 % en Europe. « Cette réticence française tient à la crainte de représailles de la part du management, mais aussi des collègues, dans le cas où la confidentialité ne serait pas bien assurée », explique Jean-Michel Arlandis.
Si la protection du dénonciateur apparaît nécessaire (pour 91 % des sondés en France et 94 % en Europe), les salariés interrogés tiennent aussi à ce qu'une personne soupçonnée de fraude puisse se défendre ; 84 % des salariés interrogés en France (85 % en Europe) estiment que la société doit informer un salarié qui fait l'objet d'une enquête. De même, ce salarié doit pouvoir contester les rapports d'enquête le concernant. Les personnes interrogées se montrent relativement sceptiques sur le respect de ces deux points par leur entreprise. En outre, pour 78 % des sondés, la société ne doit pas masquer une enquête pour fraude sous le couvert d'une autre opération.