C'était il y a 6 ans, 350 notules avant celle-ci, avant nos crises, et le sujet en était "Rémunération des dirigeants en France : est-il juste d'invoquer un marché mondial pour justifier la progression des dirigeants des principales entreprises établies en France (SBF 120)".
Alors que les crises sont installées et que les convulsions qu'elles induisent sont mondiales, quelques jours après la publication des rémunérations 2011 des entreprises, dans le cadre de l'obligation légale qui est faite aux entreprises, les progressions sont importantes, les réactions plus encore.
Certains dirigeants sont sur la défensive, arguant du caractère peu réaliste de la part de la rémunération attachée au cours de bourse (c'est juste à ce jour pour les stock-options attribuées avant la crise et qui pourraient si le cours le permettait, constituer 40 à 60% de la rémunération; le cours de bourse ne le permet pas).
Quid des actions ou stocks-options attribuées cette année, à un cours très bas ? Rendez-vous en 2016-2017. Faut-il les supprimer comme l'OREAL l'a proposé il y a quelques jours ? Quelles sont les motivations d'une telle décision ? Est-elle fondée sur la déconnexion complète entre la performance de l'entreprise et son cours, du moins depuis 3 ans ? Va t-on substituer aux Stock-Options des attributions d'actions gratuites fiscalement plus intéressantes et qui n'immobilisent pas le capital des bénéficiaires/porteurs ? Au coeur de la crise, en campagne électorale, période plus propice aux promesses qu'aux décisions, on peut faire les mêmes observations à peu de choses près qu'en 2006 :
L'idée d'une "World class Executives" selon laquelle des dirigeants de très grandes entreprises seraient internationalement mobiles, ce qui justifierait une (retention) rémunération supplémentaire est répandue, séduisante ... et probablement fausse.
Démonstration : la crainte de ne pas se situer "au niveau du marché" salarial des dirigeants, d'être mal placé dans la compétition pour séduire et retenir les meilleurs justifie une production intense de nouveaux outils de rémunération par les entreprises, leurs conseils et un législateur ardant pratiquant du patriotisme économique. Réalité : peu de choses dans le parcours des dirigeants atteste d'un désir de mobilité internationale, encore moins de sa réalisation.Les dirigeants, à de rares exceptions liées à des personnalités réellement internationales d'origine, de culture et de parcours, sont des "produits nationaux" qui ne s'exportent pas et ont une "zone de d'employabilité" limitée à leur pays ou leur région, en différenciant bien ce fait de leur champ d'action, régional ou mondial.
On parle souvent à la faveur de changement de dirigeants plus de "chaises musicales" que d'importation des compétences.Dans ce contexte, la rémunération n'est pas la variable déterminante dans la décision de changer d'entreprise, qui se prend en fonction du contenu supposé et des attentes, de circonstances et d'opportunités, et de l'évaluation et de l'acceptation d'un risque (parfois passagèrement compensé par une rémunération).
Conclusion : "L'effet panique" de la mondialisation justifiant des rémunérations au niveau le plus élevé du marché mondial est dans ce contexte plus une construction abstraite qu'une motivation concrète à des niveaux et structures de rémunération mondiaux, par ailleurs impactés par une fiscalité qui reste déterminée par chaque état, dont le "net en poche" dépend donc.
Les carrières des dirigeants restent avec constance fortement déterminées par des variables nationales (formation des élites, compétences nécessaires, exercice du pouvoir, culture et langues) qui limitent leur mobilité internationale et ne justifient pas le déploiement d'une "rémunération mondiale".