FUIR LA FRANCE : POURQUOI ? COMMENT ? LES RAISONS ? ENDIGUER LE "PHENOMENE ?"
Que n'a t-on entendu de février à mai 2012, en période pré et électorale (présidentielle) sur la mobilité
internationale, les mobilités de fuite, l'exil motivé par des raisons fiscales, la fuite des cerveaux hors de France, les pertes irréparables et les lendemains qui déchanteraient, les classiques "après nous, le déluge" ... En trente et quelques années d'observations et d'action principalement entrepreneuriale et citoyenne en France, j'ai l'impression d'avoir rarement entendu autant d'âneries sur une période aussi courte. On a échappé aux chars russes place de la concorde (c'était un peu usé), mais l'explosion des taux d'intérêt de refinancement de la France au lendemain de la présidentielle a donné lieu à une vraie campagne, que la réalité à déniée dès l'élection du nouveau président, puisque la France de refinance actuellement à un taux d'intérêt moyen moindre que celui applicable au cours du dernier mois de la présidence précédente. A noter tout de même que cela ne préjuge en rien des taux à venir, dont la valeur est bien plus déterminée par la liquidité mondiale disponible que par le choix d'un président et de son gouvermenent, quels que soient ses mérites.
Tout ceci pour en arriver à la question catégorie "boule de cristal/Mme Irma" d'un client expatrié : qu'est ce que ça va changer pour moi, ce nouveau président, gouvernement, législature ...moi qui suis dirigeant-propriétaire de mon entreprise ?
Et bien le gouvernement précédent avait déjà pris nombre de décisions d'esprit "pas totalement libéral". Prenons la fameuse "EXIT TAX", visant à pénaliser les entrepreneurs songeant à s'expatrier pour des raisons fiscales, vers un pays pratiquant une imposition moindre des plus-values, notamment dans l'hypothèse d'une cession de tout ou partie des titres de le'ntreprise détenus en tant que résident du pays d'expatriation. La taxe a vocation à égaliser le niveau d'impôt qui aurait été payé en France si le dirigeant était resté résident du pays (niveau a priori plus élevé) avec le niveau d'impôt à acquitter à l'étranger (nouveau pays de résidence), a priori moins élevé, puisque constituant "la motivation principale" de la mobilité internationale. Ca, c'est la vision simple, voire simpliste de l'exit tax.
La mesure n'est pas extrêmement libérale puisque les entrepreneurs ayant réussi en France devraient y rester non pas parce que leur expatriation deviendrait neutre sur le plan fiscal (ce qui reste à mettre en place et est très complexe), mais parce que la compétitivité et l'attractivité du pays devraient naturellement conduire à ce choix. Or comme on sait de longue date, la France ne figure pas "dans le peloton de tête" des pays les plus compétitifs.
En termes de comportement de ces agents économiques, on sait aussi que la décision d'expatriation n'est que très rarement guidée uniquement par des motivations fiscales. Plusieurs facteurs interagissent, dont :
1 - la motivation de la famille du dirigeant à s'installer "ailleurs" durablement : pas de Q. € ou $ ici
2 - le fait de retrouver "abroad" une partie de sa culture d'origine (notammment un lycée français)
3 - la capacité à s'installer durablement (on ne part pas pour moins de 5 ans)
4 - les transports (qualité des réseaux, temps nécessaire) à destination du pays d'origine, d'où le succès de la Belgique et de la Suisse
5 - l'existence d'une communauté active et originale, c'est-à-dire ne reproduisant pas stricto sensu le schéma "homme = chef d'entreprise", "femme = conjoint d'expatrié vivant en circuit fermé, visites de musées et ... peinture sur abat-jour)
6 - la conviction, à tort ou à raison, qu'une partie des raisons du départ est liée à une "perte de confiance" durable dans la capacité du législateur français à tenir la parole donnée, c'est-à-dire à ne pas changer les règles d'un "jeu" (notamment fiscal) en cours de partie. Les expatriés entrepreneurs citent tous spontanément cet item, et pensent s'installer dans un nouvel état dont ils espèrent une plus grande "constance fiscale". L'indicateur le plus cité par les dirigeants propriétaires est le nombre de ministres des finances se succédant en France à un rythme fort soutenu (3 ces derniers 18 mois, 14 de 1997 à 2012), même s'il est franchement admis que les grandes décisions de politique économique et financière ne sont pas nécessairement l'apanage du ministre.
Idem pour la désormais fameuse "tranche à 1 million", dont on ne sait pas encore si le nombre de parts du foyer fiscal entre en compte, si des abattements seraient applicables, et combien de foyers fiscaux seront concernés, pour un revenu fiscal restant à estimer par l'organisme collecteur, qui doit intégrer dans ses hypothèses l'effet d'éviction, de fuite des contribuables "éligibles" à ce super-impôt. Seraient-ils d'ailleurs soumis à une forme d'exit tax, de quelle manière, auquel cas leur non résidence en France perdrait tout son intérêt, sauf à considérer qu'il est possible d'y échapper (on attend le collectif budgétaire et le correctif à la loi de finance cet été, pour en savoir plus).
En résumé, les dirigeants-propriétaires de leur entreprise ne deviennent jamais non-résidents de la France "sur un coup de tête". C'est une décision très mûrement réfléchie, dans laquelle a contrario, les facteurs de décision financiers sont moins importants que les facteurs personnels et familiaux, l'angle économique et financier étant motivé par une forme de défiance à l'égard de règlementations et législations considérées comme inconstantes, plus que de taux d'impostion ou de mesures de taxation supplémentaires rendant "insupportable" la pression fiscale.
C'est pourquoi la durée moyenne d'une expatriation d'un dirigeant-propriétaire est, en moyenne, deux fois plus longue que celle d'un expatrié salarié, qui est loin d'être seul à décider, et dont l'action à l'étranger est essentiellement sous tendue par des motivations professionnelles.
En savoir plus sur l'étude INTELFI "mobilité internationale des dirigeants-propriétaires" : Jacques-Olivier MEYER, DG INTELFI, Tel : +33.1.47.56.11.81, [email protected]