Cette célèbre interjection que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, due à un célèbre homme politique qui finit par être plus regardé pour ses talents comiques supposés que pour ses scores électoraux qui connurent une baisse quasi létale dans les années 80, cette interjection s'applique aux projets de "déménagements stratégiques" induits par des fusions et acquisitions, notamment celle dont Paris, Frankfurt et Atlanta "bruissent de manière assourdissante" ces semaines-ci. Pourquoi, comment, quand, tout est-il si merveilleux au royaume des décideurs (entreprises ou politiques ?) et des acteurs (salariés et leurs familles) qui risquent fort après un répit de presque 10 ans d'avoir à "faire leurs valises"... comme le disait (indice N°2, le "fameux" GM auteur du titre ci-dessus, et indice N°3, qui n'est pas General Motors ...).
Vous le savez, le métier d'Intelfi consiste à conseiller les entreprises quittant la France pour trouver en lien étroit avec leur stratégie les dispositions les moins coûteuses et les plus motivantes pour installer leur personnel dans un autre état, auquel on prête fréquemment bien des vertus supplémentaires comparativement à la France. Ceci dit, quelles sont les raisons de fond de ces mouvements dont la cadence s'est accélérée grandement depuis ... 10 ans (et non pas avant-hier) comme certains articles pourraient le laisser penser ?
On l'appellera comme on voudra mais le déménagement du siège de Publicis fusionné avec Omnicom, le départ du siège (d'ici à bien des semaines et des mois) d'Alstom en Allemagne ou aux USA, (Siemens ou GE), Le déménagement de Lafarge Groupe ... ainsi que celui de bien des entreprises moins renommées mais tout aussi dynamiques et porteuses de croissance quantitative et qualitative, d'alliances qui ne se feront pas, de réputation pour la France qui les a vus naître 1/ ne date pas d'aujourd'hui ni du gouvernement actuel 2/ est très préjudiciable à l'économie française. Jusque là, rien de nouveau, si ce n'est que le métier d'Intelfi prédispose à se trouver dans l'oeil du cyclone lorsque ces décisions sont prises et au delà, mises en oeuvre.
Quelles sont les motivations des décideurs ?
1/ Lorsque la "pépite" française n'en n'est pas/plus vraiment une, sauf pour ses salariés et sa direction pensant plus au passé et à sa réputation qu'aux marchés à venir, la fusion et/ou l'acquisition concrétise la victoire du "fort" sur le "faible". Imposer sa volonté au "perdant" est un symbole auquel il convient de conserver toute sa valeur dans un contexte de guerre économique. Qu'on ne s'empêche pas de penser en plus que les facteurs de coût d'emploi à l'étranger sont presque partout plus favorables qu'en France, ce qui finit de polir une décision symbolique et de la poser sur les rails du pragmatisme économique.
2/ Pour les entreprises de taille moindre, aussi B 2B que les précédentes, mais inconnues du public (on ne parle plus du TGV, de la pub ou des tramways), le facteur contextuel est majeur. La fameuse "dépression française" finit par toucher tous les échelons du personnel, et rapidement, a fortiori pour des pépites sont le produit compte plus que la structuration, souvent peu bureaucratique. La contagion est alors rapide entre les niveaux les moihs élevés et ceux qui apportent de la création et de la valeur ajoutée, d'où des décisions de déménagement à l'étranger très rapides, que les conditions d'emploi locales ont vite fait de conforter.
3/ Malgré tout, les entreprises de type 1 ("les majors") comme celles de type 2 (les pépites) ne déclarent jamais partir pour des raisons strictement motivées par les conditions économiques et sociales de l'emploi. S'il est parfaitement exact que "cela coûtera moins cher" d'employer le personnel à l'étranger (et l'étranger, c'est grand", il convient de ne pas oublier la vallée du désespoir que vivent bien des dirigeants ayant décidé d'installer leur entreprise "abroad". Trois étapes se succèdent avant d'y gagner franchement en termes de coût d'emploi :
a/ conserver et fidéliser les "forces vives" de l'entreprise à l'étranger coûte dans un 1er temps très cher à l'entreprise, or on ne se prive pas d'un département recherche pour le recruter ailleurs, on l'expatrie.On prévoit d'expérience chez Intelfi des coûts triplés les 2 premières années.
b/ faire partir les non indispensables de l'entreprise en France et recruter leurs successeurs à l'étranger coûte affreusement cher, en application des législation et réglementation du licenciement en France, et en coûts de recherche à l'étranger, sans compter le coût culturel de l'adptation au recrutement "ailleurs", le mode cabinet de recutement ou chausseur de tête parisien étant lui aussi assez hexagonal.
c/ la courbe d'apprentissage est creuse et longue. Avant d'avoir retrouvé le mix coût/efficacité qui prévalait en France avant d'en partir, plusieurs années sont nécessaires, guidées et plus ou moins effacées par un grand projet fédérateur qu'on n'appellera plus "Cap 2000" (c'est passé depuis 15 ans) mais Spinakker, Vent d'Ouest, Cap Winners ... et bien d'autres dénominations aussi vraies que ... ridicules.
En résumé, ce sont les circonstances stratégiques (taille critique, concurrence, faiblesse d'un des deux partenaires) qui guident ces projets d'acquisition qui ont pour conséquence le déplacement de salariés, bien plus que l'opportunité d'abaisser les coûts d'emploi, ce d'autant que ces fameux coûts d'emploi, en France comme à l'étranger sont bien plus souvent subis que gérés.
Allez donc demander à un DRH quel est le coût complet annuel chargé de son directeur de la stratégie, de son assistante, d'un opérateur de production ... la réponse est aussi rare, peu rapide qu'exacte ...Mais il est parfaitement exact de souligner l'incurie de bien des politiques sur ces sujets, qui auront encore et toujours tendance à raisonner en termes de renommée et prestige nationaux, secteur stratégiques ... facteurs sans incidence sur les dirigeants des entreprises qu'en termes de coûts, quitte à donner le sentiment de se réveiller quelque peu après la bataille, et pire, dans une bataille à laquelle ils ne sont pas invités puisque non actionnaires, comme le cas de ces derniers jours le démontre.
Ainsi, un gouvernement de gauche s'intéresse à une entreprise dont l'état n'est pas/plus actionnaire, alors que son état était connu de longue date, alors que son homologue de droite il y a 10 ans était intervenu "for the good" à la manière des interventionnistes dirigistes et malgré tout pragmatiques pour consentir des avances de trésorerie (sorte de nationalisation temporaire) honorées par ALSTOM en temps et en heure, et qui lui auront concédé 10 ans de répit. Un problème de légitimité de l'action politique se pose ici, dont in faut absolument reconnaître que ni les ouvriers et agents de maîtrise, ni les cadres, ni les dirigeants, ni les clients, ni le public n'ont grand chose à faire.
A suivre, et dans une direction qui pourrait bien surprendre nos oracles pour lesquels seule la solution interventionniste étatique serait susceptible de modifier le résultat des forces des marchés ! En tout cas, de belles journées de travail pour Intelfi, à venir au cours des ces 2 prochaines années !
En savoir plus : Jacques-Olivier Meyer, DG Intelfi, 00.33.1.47.56.11.81 - jomeyer(at)intelfi.com
PS : ce billet n'aurait pas grand intérêt s'il n'offrait l'occasion de rendre hommage à Pierre Bilger, qui fut celui qui dirigea, anima, aima Alsthom puis Alstom (THOMson ALSace).
De son départ de la direction du Groupe,on retint surtout qu'il refusa ce qu'il appelait "le prix de sa liberté", ce qui était pour celles et ceux qui le connurent l'exacte motivation du refus de ce "parachute" pourtant contractuellement dû.
Il fut durant les années précédant sa disparition qui survint alors que mille projets l'intéressaient et l'impliquaient, celui qui porta, sur la période au cours de laquelle il fut aux responsabilités et la période qui suivit, le regard le moins complaisant et le plus exigeant qui fut.
Aucune compromission ni même aucun compromis, un regard précis et sans effets de langage ou d'émotion que la proximité avec les politiques aurait pu rendre tentants, ce d'autant que son parcours jusqu'à Alstom s'effectua au service de l'Etat. Il sut gérer de profonds désaccords avec ses actionnaires, préparer sa succession, et trouver après sa "vie CAC 40" de multiples projets d'affaires.
Je sais combien le sentiment que je livre ici est partagé par tous ceux qui eurent la chance de le connaître un peu, paradoxalement plus dans sa vie d'après le CAC 40 que pendant. Contrairement à l'usage qui voudrait qu'on flatte ou qu'on déconsidère son successeur, Patrick Kron est un dirigeant unique en France.
La question de conserver et retenir ses compétences se pose car les tentations sont multiples et la France n'offre pas nécessairement de "playground" de taille et de complexité suffisants pour un tel dirigeant.
On pourra toujours parler, entre Pierre Bilger et Patrick Kron, ad libitum, voire pour certains ad nauseum de leurs différences de leadership, de style de direction, de stratégies et politiques d'entreprise. Rien n'est faux, mais à ce niveau, dans l'industrie, c'est le dirigeant qui s'impose à la fonction et non l'inverse. La conjoncture a tellement changé depuis 10 ans qu'il n'est pas aberrant de penser que la DG actuelle du Groupe prend les meilleures décisions, si tant est qu'elles existent, pour l'avenir du Groupe, en transformation depuis de longues années et auquel la question du portefeuille d'activités et de la taille critique se posaient depuis longtemps. Sans prendre en compte le suivi des chaines d'information 24/24, le projet GE a toutes ses chances par rapport au projet allemand, dès lors que Patrick Kron et son conseil s'accordent sur les analyses en cours. Et on ajoutera pour clore momentanément ce sujet que ce sera "for the good". A suivre...